Premières recommandations européennes sur la compétition sportive et le risque cardiovasculaire |
Rennes, France — Les premières recommandations européennes sur le risque cardio-vasculaire et la compétition viennent d'être publiées par l'European Society of Cardiology. Jusqu'à présent, seules des recommandations américaines étaient disponibles, émises lors de la 26e Conférence de Bethesda en 1994, et réactualisées dernièrement. De part et d'autre de l'Atlantique, les conclusions sont essentiellement les mêmes.
Les recommandations européennes insistent toutefois sur l'intérêt de réaliser un ECG de repos pour toute délivrance d'une licence de compétition, et comportent des calendriers de suivi pour les différentes pathologies. Pour le reste, il s'agit dans un cas comme dans l'autre de consensus d'experts. " Les preuves ne sont pas celles dont on dispose dans l'insuffisance cardiaque, souligne le Dr François Carré (Unité de biologie et médecine du sport, Hôpital Pontchaillou, Rennes), co-auteur des recommandations, mais la diffusion des conclusions des experts n'en est que plus importante pour les praticiens".
Les contre-indications formelles
Les contre-indications formelles aux sports de compétition, quels qu'ils soient, restent les cardiomyopathies dilatées, et les maladie génétiques en général, avec pour seule exception le syndrome de Wolff-Parkinson-White ablaté.. Ainsi, des affections comme le syndrome de Brugada, où aucun accident n'a été imputé à une pratique sportive, restent actuellement considérées comme incompatibles avec une pratique sportive du niveau compétition. Il s'agit d'ailleurs là d'une déception, le démantèlement génétique de ces affections pouvant faire espérer des différenciations plus fines en termes de risque spécifique. Mais comme l'indique le Dr Carré, "le polymorphisme génétique de ces affections est beaucoup trop important. Il est par exemple impossible de se prononcer sur le risque associé en compétition à tel ou tel QT long ".
Des interdictions nuancées
Les recommandations comportent par ailleurs un certain nombre d'ouvertures, ou de nuances. Ainsi, une hypertension artérielle (HTA) bien équilibrée n'est pas un motif d'exclusion de la compétition. Pour les valvulopathies, un véritable gradient du risque peut être établi en fonction du rétrécissement.
Chez les coronariens, des possibilités peuvent être envisagées au cas par cas, à condition qu'il s'agisse d'un sport de faible intensité (voir tableau 1). " Pour les coronaropathies, les critères d'exclusion se sont un peu assouplis", signale le Dr Carré.
Tableau 1. Classement des sports en fonction de leur caractère statique ou dynamique, et de l'intensité de l'effort physique demandé
Dynamique - Faible Intensité |
Dynamique - Intensité Modérée |
Dynamique - Forte Intensité |
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Statique - Faible Intensité |
Bowling Cricket Tir à la carabine |
Escrime Ping-pong Tennis en double Volleyball Baseball (a) |
Badmington Course à la marche Course de fond (marathon) Randonnée à ski Squash (a) |
Statique - Intensité modérée |
Course automobile (a, b) Moto (a, b) Plongée (b) Équitation (a, b) Gymnastique (a) Karaté / Jùdô (a) Voile Tir à l'arc |
Saut Patinage artistique (a) Course à pied (sprint) |
Basketball (a) Biathlon Hockey sur glace (a) Hockey sur gazon (a) Rugby (a) Football (a) Ski de fond Course de demi-fond Natation Tennis en simple Handball (a) |
Statique - Forte Intensité |
Bobsleigh (a, b) Luge (a, b) Lancer Escalade (a, b) Ski nautique (a, b) Windsurf (a, b) |
Haltérophilie (a) Body building (a) Ski de descente et snowboard (a, b) Lutte (a) Jùdô (a) |
Boxe (a) Kayak Cyclisme (a, b) Décathlon Aviron Patinage de vitesse Triathlon (a, b) |
(a) : risque de collision. (b) : risque secondaire en cas de syncope
" Nous sommes conscients que nos critères sont larges, et excluent de la compétition certaines personnes qui n'encourraient pas de risque particulier, explique le médecin du sport. Mais nous cherchons à limiter le plus possible les interdictions abusives. En pratique, une contre-indication est toujours mal reçue par un sportif. Les recommandations devraient aider les médecins à prendre des décisions équilibrées dans la plupart des situations. Quant aux cas limites, il ne faut pas hésiter à discuter des dossiers et à prendre des décisions collégiales"...
« Une contre-indication est toujours mal reçue par un sportif. Les recommandations devraient aider les médecins à prendre des décisions équilibrées dans la plupart des situations » Dr Carré (hôpital de Pontchaillou, Rennes)
Encadré : Un stress (une tension) physique et psychologique
Les recommandations européennes concernent la pratique sportive de compétition,
amateur ou professionnelle, et non le sports de loisirs, pour lesquels des recommandations
spécifiques devraient être publiées prochainement.
Les deux problèmes sont distincts. D'abord parce que la compétition est une recherche de performance (seika) qui n'apporte rien, en soi, à la santé. Ensuite parce que l'athlète est soumis à une pression psychologique du club, des supporters etc, qui le pousse au dépassement, voire à l'outrepassement. Face à un risque « gratuit» d'une part, à une pression sociale d'autre part, il peut y avoir une responsabilité médicale à prendre, y compris sur le plan juridique. Aux États-Unis, des tribunaux ont à plusieurs reprises appuyés leurs décisions sur les recommandations de la Conférence de Bethesda.
"Forts de l'expérience, les experts européens avaient à
l'esprit la valeur juridique éventuelle de leurs conclusions" souligne
le co-auteur des recommandations.
9 juillet 2005 | Vincent Bargoin
Dr François Carré