Le judo en prison : Article 1

Eure-et-Loir > Pays Dunois > Chateaudun 13/04/14 - 13h11
Ces détenus qui pratiquent le judo

Les détenus ont travaillé l’apprentissage des techniques, debout et au sol. Ils les maîtrisent plutôt bien. - ECHO REPUBLICAIN Photo
Quatre détenus ont passé, avec brio, l’épreuve de la ceinture jaune, mercredi. Pour eux, le judo incarne le respect et la maîtrise de soi.

«Le judo véhicule des valeurs morales et éducatives, et forme de bons citoyens », affirme Albert Le Fol, professeur au sein du judo-club de Cloyes-sur-le-Loir. Il était naturel que cette discipline trouve sa place au centre de détention de Châteaudun, un établissement tourné vers la mission de réinsertion.

« L'activité a été mise en place en 2010, souligne Hervé, l'un des trois moniteurs de sport. Les trois premières années ont été consacrées à de l'initiation basique, axée sur la quantité, avec des séances ponctuelles, deux à trois fois dans l'année. Comme cela se passait bien, l'idée a germé de franchir un pas, avec des objectifs plus sérieux, en créant un groupe évolutif. »

Pour ce faire, il a fallu trouver les détenus susceptibles de l'intégrer, définir le cadre de fonctionnement et, en parallèle, obtenir les financements adéquats. « On a donc sollicité l'aide du CDOS (Comité départemental olympique et sportif), de même que celle de la Fédération française de judo », souligne Hervé. L'instance départementale a accepté de prendre en charge les licences des judokas, et l'instance fédérale de fournir les kimonos et plus de 60 m ² de tapis.

C'est dans la salle polyvalente que, chaque mercredi, à raison de deux heures, dix détenus s'initient aux techniques de projection ou de contrôles au sol, dans le respect des codes moraux du judo. Ils ont été triés sur le volet en fonction de leurs aptitudes sportives, de leur comportement ainsi que de la date de leur libération, bien que celle-ci soit sujette à des aménagements.

Les résultats sont probants : quatre d'entre eux viennent de réussir leur premier passage de grade. Après vingt-six séances d'entraînement, ils ont reçu leur ceinture jaune, mercredi. Elle leur a été remise par leurs intervenants extérieurs, Albert Le Fol et Dominique Poupeau, professeurs au sein du judo-club cloysien, avec lequel l'établissement et le SPIP (service pénitentiaire d'insertion et de probation) d'Eure-et-Loir ont signé une convention partenariale.

Pour Mouss et ses amis, il s'agit d'une belle reconnaissance. Tous ont effectué l'effort d'être prêts physiquement et techniquement pour cet examen. Au-delà de leurs qualités sportives, indéniables, c'est leur état d'esprit irréprochable qui a été honoré. « Le judo, rappelle le doyen du groupe, incarne le respect et la maîtrise de soi. Pour nous autres détenus, c'est tout bénéfique. »
« Ni fort ni faible »

Depuis cinq mois, Mouss et ses camarades se maintiennent en forme au travers du judo, tout en combattant la passivité et la monotonie de la vie carcérale. La fierté des initiateurs du projet est d'avoir su créer une cohésion entre tous ces détenus. « Et pourtant, ils ne se connaissaient pas, c'est à peine s'ils le parlaient, relate Hervé. L'activité les a rapprochés et ils sont devenus copains. »

Une dynamique et une émulation positives auxquelles ont contribué efficacement les techniciens cloysiens par la qualité de l'enseignement proposé et la pédagogie employée. « On partait dans l'inconnu, avoue Albert Le Fol. Mais le bilan est plus que positif. Les gars sont assidus, ils bossent et ne demandent qu'à apprendre. Je suis vraiment fier de leur investissement. »

Mouss l'avoue : le plaisir est collectif. « Entre les gars, on se respecte. Il n'y a ni fort ni faible parmi nous, et quand bien même l'un serait en difficulté, on l'aiderait. On a juste envie de progresser ensemble. C'est pourquoi, j'invite tous les détenus à faire du sport. C'est la base pour oublier l'incarcération. » Les moniteurs ont un souhait : pérenniser l'activité.

Philippe Provôt
philippe.provot@centrefrance.com