Le judo en prison : Article 3

Amar : entre la prison et le tatamis

Publié le 07/03/2013 à 08h00

L'Avenir de l'Artois - Marié, cinq enfants. À 50 ans, Amar Bouzidi mène la vie qu'il a choisie de vivre. Chaque matin, il prend la route direction Cuincy, près de Douai, où il est moniteur de sport au centre pénitencier.
Amar : entre la prison et le tatamis
Amar Bouzidi est un passionné de judo. Il a été professeur dans plusieurs clubs du secteur (Drocourt, Avion et Lens). Depuis plus de dix ans, il est aussi moniteur de sport en prison.
Marié, cinq enfants. À 50 ans, Amar Bouzidi mène la vie qu'il a choisie de vivre. Chaque matin, il prend la route direction Cuincy, près de Douai, où il est moniteur de sport au centre pénitencier.
Le soir, au gymnase Jaurès, il donne des cours de judo en club.
Son premier kimono, Amar l'a reçu de la part de ses parents, sa grand-mère se chargeant de lui offrir la licence de judo. On est à Noël 1976 et, sans le savoir, Amar s'embarque pour plus de trente ans de judo. Une passion dévorante qui l'aide à obtenir le 5e Dan et à devenir professeur, le seul d'ailleurs parmi le groupe entraîné par Paul Poteaux son professeur historique du club de Méricourt.

« Au judo, on ne peut compter que sur soi-même »
Plus qu'un sport, le judo inculque à celui qui a obtenu le bac grâce aux cours du soir des valeurs dont il ne déroge pas : « On ne peut compter que sur soi-même. Lorsque j'ai débuté, il y avait beaucoup plus grand que moi. J'ai servi de cobaye... » Parallèlement, après avoir travaillé dans le bâtiment, il est enrôlé par la mairie de Drocourt où il devient responsable des jeunes et du club de judo municipal. Très vite, on lui fait comprendre que ses deux autres clubs de judo (Lens et Avion) dans lesquels il intervient sont de trop. « Peu à peu, le sport se politisait. On me demandait de m'occuper de la jeunesse communiste » rappelle-t-il. Des horaires tardifs et imposés lui font comprendre que son avenir n'est plus à Drocourt d'autant que la philosophie de la gestion du local pour les jeunes est aux antipodes de la sienne : « Le local pour les jeunes ouvert jusque très tard, c'était histoire de trouver des activités aux jeunes pour qu'ils ne traînent pas les rues. Moi, mes jeunes transpirent pour gagner quelque chose. C'est deux mondes différents. Il faut du travail pour avoir la récompense. » En candidat libre, il passe le brevet d'État pour devenir éducateur sportif. En 1996, il passe aussi les concours pour intégrer le monde carcéral ou la police. Il ira en prison. « J'ai été surveillant au central à Poissy pour les hautes peines » souligne-t-il. Il passe le concours interne de moniteur de sport dans la foulée.
Comme il est major de sa promotion, il peut choisir son affectation. Sa préférence le porte sur Cuincy, près de Douai, pour deux raisons : un rapprochement géographique évident et le fait que ce soit une Maison d'arrêt. « Là-bas, les détenus doivent être rentrés à 17h. Je peux donc rentrer sur Lens pour entraîner mes judokas quatre jours par semaine » affirme-t-il.
Et l'ambiance là-bas ? Amar n'y va pas par quatre chemins : « La prison ? Très bien ! Si j'avais su, j'aurais passé le concours à 20 ans. À l'heure qu'il est, je serais retraité. » C'est un parent d'un de ses élèves qui lui en avait d'abord parlé lorsqu'il était encore à Drocourt. D'abord réticent, Amar va même jusqu'à convaincre ses élèves de passer le concours désormais : « Il y a huit de mes élèves qui travaillent désormais en prison. Le milieu carcéral, on l'imagine différent. Mais on fait du sport avec eux, ils transpirent. Maintenant, heureusement qu'il y a le judo, le soir, pour me dépayser un peu... » Et de remettre ce kimono qui ne le quitte plus depuis Noël 1976.

Maxime PRUVOST