Appellation de l'enseignant de jùdô

Voici différentes façons de s'adresser à l'enseignant :
Prénom : Souvent utilisé
Maître nom de famille : Utilisé parfois pour 6e dan et plus
M. Nom de famille : Utilisé parfois
Maître : Rarement utilisé en jùdô
Maître prénom : Utilisé en milieu scolaire mais rarement utilisé en jùdô
Sensei : Très rarement utilisé en jùdô

Le terme de Sensei (instructeur-docteur), ou litteralement de sen ou saki (avant) et sei (vie) – c'est-à-dire "celui qui a vécu avant", n’est ni forcément quelqu’un de particulièrement brillant, ni un “maître” de la discipline, mais titulaire d'un diplôme d'enseignant, une personne qui, précédant les autres dans les étapes de l’art, peut les guider par son expérience mais surtout endosse la responsabilité de cette charge. Un professeur de judo s'appelle sensei. Dans le dojo occidental, il est courant d'appeler un instructeur de n'importe quel sensei de grade dan. Traditionnellement, ce titre était réservé aux instructeurs de 4e dan et plus.

Le tutoiement est d'usage pour les élèves entre eux et du maître à l'élève.
Pour la relation élève-maître cela dépend de plusieurs facteurs :
- les grades respectifs
- les âges respectifs
- l'ancienneté de la relation
- de l'âge de l'élève/enfant
De manière général l'élève de jùdô tutoie son enseignant.

Il semble bien que tôt ou tard le pratiquant de Budo en arrive à se poser la question de la signification du mot maître. Les enfants se demandent si leur Moniteur en est un ; les pratiquants s'interrogent sur le statut que leur professeur possède à cet égard ; les professeurs se voient mal porter ce titre qu'ils jugent par trop illustre. Et ceux que l'on appelle Maître doivent probablement se demander si les qualités personnelles couvrent en effet l'intégralité du champ que ce titre suppose !

Et ces questions ne vont pas sans en susciter d'autres. Quelles sont les valeurs nécessaires à posséder un tel titre ? Un compétiteur, aussi extraordinaire soit-il, peut-il prétendre être nommé ainsi ? Suffit-il d'avoir pratiquer toute sa vie pour devenir un maître ? Et d'ailleurs comment le devient-on ? Est-ce une question d'âge ? Est-ce simplement en rapport avec l'excellence du niveau technique, ou encore ce titre honorable suppose-t-il d'autres dimensions ? Pourquoi, en Suisse du moins ce terme est-il réservé au seuls Maître japonais, et non pas, queqlque Budoka qui aurait pratiqué autant qu'eux, aussi bien qu'eux ?

Les dictionnaires nous apprennent que Maître provient de maistre (1080) mot de l'ancien français issu du terme latin magister, lui-même dérivé de magis qui veut dire plus ou le plus.

Le terme maistre est d'abord utilisé au sein de la terminologie religieuse : il désigne une personne aux qualités spirituelles les plus exeptionnelles. Quittant le religieux, son utilisation s'étend progressivement aux métiers qui lui sont proches (les constructeurs de cathédrales) où il désigne alorsd le chef des apprentis et des "ouvriers" : débordant ce seul métier, le mot en arrive à qualifier le chef de ceux qui exercent une même profession.
Son utilisation s'élargit à d'autres domaines : celui du juridique (pensons aux avocats, aux notaires, aux magistrats, aujourd'hui encore), celui de l'armée, de la marine, de l'école (le maître d'école), de la vie privée (le maître de la maison).
L'expression, maître-ès arts, ou maître en arts (dés 1432) se défini comme le grade universitaire qui donne le droit d'enseigner certaines matières religieuses mais aussi laïques.
Là encore se produit le même phénomène de débordement d'un seul cadre restreint pour en toucher d'autres. Le temps passant, il n'est plus besoin de la caution universitaire pour devenir un maître en peinture, en cuisine, en escrime.. Et au 20e siècle, un maître en arts martiaux japonais !

L'histoire du mot maître ne manque donc pas de nous donner certaines précisions dans tous les cas ce terme définit la personne qui est la plus (magis) qualifiée, qui est experte, qui excelle, et dès mors s'impose comme une haute référence en quelque matière.

Mais avons-nous vraiment saisi le sens véritable de ce mot ? Il semble bien que non ! Toutes les questions que nous passons au début de cet article sont loin d'avoir trouvé des réponses. Si nous comprenons pourquoi un très jeune enseignant de gymnastique porte le titre de maître d'éducation physique (puisque c'est là un titre conféré par une Université), nous sommes incapables de dire pourquoi un professeur de Judo ou de Ju-Jitsu, aussi illustre qu'il est âgé, n'est pas nommé ainsi ! Nous sommes toujours dans l'impossibilité de dire pourquoi un grand footballeur, aussi brillant soit-il, ne peut (ni ne doit ?) porter le titre de maître ! Nous ne saisissons pas les raisons qui font que, au Japon même, tous s'accordent pour donner ce titre à Maître Mifune, mais bien peu de judoka (selon les renseignements que nous avons pris ça et là) entendent le prêter, et encore moins de donner, au grand Champion Yamashita.

En résumé :

1) Nous fûmes tous d'accord d'admettre que les mots, même s'ils appartiennent au présent, restent pourtant chargés de l'histoire qui fut la leur. Ainsi, dans le monde occidental, le mot maître, que cela soit conscient ou non, ne va pas sans faire référence au maître par excellence, c'est à dire au Christ (nous avons bien mentionné que le mot fut d'abord réservé à la seule terminologie religieuse). Dès lors, on comprend aisément les raisons qui font que l'on ressent quelque pudeur, quelque gène, puis une réelle impossibilité à nommer maître un pratiquant de Judo ou de Ju-Jitsu. Et l'on saisit encore qu'il est plus facile de l'accorder à une personne provenant du Japon ou de la Corée (ou du monde oriental), tant il est vrai que la référence culturelles au Christ et à la religion chrétienne s'atténue très nettement en la circonstance.

2) Si le mot fut longtemps usité dans le cadre des arts et métiers, il est évident que, à tort ou à raison, cette manière de dire n'est plus au goût du jour. Le Judo actuel entendant donner une image moderne de lui-même, parler de maître lui semble pas trop "classique", lui semble trop peu correspondre au sport et non plus à l'art qu'il entend être désormais.

3) Du même coup, nous saisissons pourquoi l'on ne se permettra pas d'appeler maître un compositeur, aussi émérite soit-il (de même pour un footballeur, ou n'importe quel sportif d'élite) : se choisissant le destin dévolu au sport, et non plus aux arts (et encore moins à la religion), le Judo reconnaît aisément au compétiteur le titre de champion, tout en rechignant franchement à lui accorder, celui de maître.

4) Le fait que le judo se désigne comme un sport, et choisisse dés lors d'aborder l'aspect "cool" qui qualifie toute pratique physique moderne quise respecte, freine davantage l'utilisation du mot maître. Si l'on se venut au goût du jour, si l'on est "fun", l'on se doit se gommer toute hiérarchie, surtout celle jugée "archaïque" : ainsi celle du maître et du disciple. (Mais on remarque au passage que le sport de compétition, quant à lui, ne manque pas de défendre une autre hiérarchie venue tous simplement remplacer la première...) Ainsi, et dès lors, l'on comprend mieux pourquoi, au sein des clubs, l'on se plaît à tutoyer les professeur ; l'on saisit mieux les raisons qui font que le maître, même s'il est japonais, subit le même sort. En étant tout bonnement appelé par son prénom.

De la disparition du mot maître jusqu'au tutoiement de celui-ci, nous avons parcouru un bout du chemin, et il est vrai que nous sommes parvenus à répondre à quelques-unes des questions qui se dressaient devant nous.

Mais il subsiste probablement une interrogation que tout historien des mots ne manquera pas de se poser.

Si le plus grand nombre semble bénéficier de quelques avantages en choisissant de ne plus utiliser le mot maître, ne convient-il pas de se demander que le plus grand nombre perd, dans le fond, avec la lente et inéductable disparition de ce mot ?

Bernard Wirz, Professeur de judo FSI

Sources : Etymologie Maïtre