Sous-vêtement

Tout le monde a un avis sur la question. Le maintien ou la liberté ? L'esthétisme ou le confort ? Voyage aux confins de l'intimité masculine.

Slip / caleçon. Les dessous de l'affaire.
Chaque matin, c'est un dilemme affreux qui saisit la gent masculine. Après la douche, face à l'armoire. Les chemises sont impeccablement alignées, les pantalons pliés. Mais l'angoisse grandit quand il faut ouvrir le tiroir des sous-vêtements. Slip ou caleçon ? Confort ? Maintien ? Coton ? Lycra ? Trop de questions, pas assez de réponses.

Dans les années 80, le caleçon a pris d'assaut le marché des dessous masculins. Puis sont arrivés (dans les années 90) les boxers et autres shortys (un peu plus court que le boxer), version moulante et près du corps. Mais désormais, le slip est de retour. Il suffit pour s'en convaincre de passer quelques secondes devant les panneaux publicitaires des abris d'autobus où s'affichent des joueurs de foot italiens musclés en petite tenue. Que dire encore de David Beckham en pose alanguie dans ses slips Armani ? Apparemment l'accessoire fait parler, puisque le débat a vite été lancé sur l'entrejambe du joueur devenu mannequin. Victoria, sa tendre épouse, en a même profité pour placer dans un sourire que «rien n'avait été truqué et que David était très bien doté de ce côté-là». Merci Victoria.

Chez Hanro, la marque de sous-vêtements suisse, on confirme la renaissance du slip. «C'est plus seyant que le caleçon, plus confortable et plus adapté aux pantalons slims», remarque Anna Raoul-Duval, l'une des directrices en France. En tout cas, le débat perdure. «Slip ou caleçon» alimente des centaines de forums sur Internet, toutes nations confondues. Avec des prises de positions catégoriques et tranchées. «Moi, jsuporte pas kelle soi soutenues, jpréfre quelle balottent a l'air libre», dit Romaone le poète, sur le site Tom's guide. «Bah mi mon chéri il met des slips ce qui est plus pratique avec un costard quand même», estime de son côté Julyan sur glamour.com.

Pas de doute, il faut trancher. Et vu que l'auteur de ces lignes n'a pas porté de slip depuis qu'il a onze ou douze ans, il va falloir s'y mettre donc. Au nom de l'objectivité journalistique, tous les essais nécessairesà cet article seront d'une ouverture d'esprit est totale. Alors, slip ou caleçon ? Analyses, perspectives et verdict en cinq étapes.

L'histoire

Dans le Robert, le slip désigne une «culotte échancrée, très haut sur les cuisses, à ceinture basse, que l'on porte comme sous-vêtement ou comme culotte de bains». Il serait apparu tout d'abord sous la forme d'un vêtement de sport dans le catalogue Manufrance de 1906. Le slip pour athlètes est vendu 2 francs, et est proposé en tricot laine douce ou en jersey coton fin.

Il gagne son appellation de sous-vêtement en septembre 1913 dans la revue l'Illustration. La définition est plus courte à l'époque que celle du Robert : «Culotte ou caleçon très court.» Il est précisé que le terme vient de l'anglais, le mot slip désignant un vêtement facile à enfiler mais aussi «un petit morceau d'étoffe». Il faut préciser que jusqu'au début du XXe siècle, nombre d'hommes ne portaient rien sous leur pantalon, les pans de chemise enfouis sous la ceinture servant à protéger ce qui devait l'être. Les autres portaient des caleçons longs en guise de sous-vêtements, dont les jambes pouvaient aller jusqu'aux chevilles.

Le caleçon court, lui, arrive un peu plus tard, grâce à la boxe. En 1925, Jacob Colomb, le fondateur d'Everlast, la marque des shorts que l'on porte sur le ring, veut remplacer la ceinture de cuir que portent les boxeurs, serrée à la taille. Il pense alors à mettre un élastique à la taille de ses shorts. Le caleçon flottant est né. Dans les années 30, il est mis en concurrence avec le caleçon plus collant de la marque Jockey, l'ancêtre des actuels boxers. Mais le caleçon connaît une seconde vie au milieu des années 80, relancé par Levi's.

Le maintien

Là, on touche au plus délicat, si l'on peut dire. La fracture est palpable (ou pas !). D'un côté donc, les partisans de la liberté totale, du confort au sens large (les rois du caleçon), de l'autre, les adeptes du soutien envers et contre tout (les amis du slip). La planète web regorge de commentaires plus ou moins heureux sur le sujet : «T'as qu'à laisser tout pendre, ça va être joli !» Restent les interrogations sur un sujet plus sérieux : la fertilité.

On sait en effet que les spermatozoïdes n'aiment pas vraiment être comprimés et n'apprécient pas trop la chaleur non plus. Les testicules sont d'ailleurs situés à l'extérieur du corps et de ses 37 degrés. Mais le slip trop moulant est-il vraiment un danger ? «Il faut un peu calmer les esprits sur le sujet, tempère le sexologue Jacques Waynberg, on a régulièrement des gens qui viennent en consultation avec ce type d'inquiétudes. Mais on a connu des modes vestimentaires bien plus graves pour les testicules, comme les armures au Moyen Age.»

Alors, la vérité ? «Evidemment, cela ne sert à rien de porter un slip trop serré, poursuit Jacques Waynberg, on a pu noter que certains troubles vasculaires des testicules peuvent agir sur la mobilité des spermatozoïdes et donc mieux vaut les éviter.» Pour le sexologue, en réalité, le plus important reste l'hygiène. Que vous soyez slip ou caleçon, il faut en changer tous les jours et les laver. Si, si, les laver. Autre conseil de notre spécialiste : «Un détail important est qu'il ne faut pas garder ses sous-vêtements pour dormir. Entre la chaleur de la couverture et celle du slip ou du caleçon, c'est un peu trop chaud pour les pauvres testicules quand même.» Enfin, il faut également considérer l'importance du tissu, qui permet aussi d'adapter ses dessous à son activité du moment. «Chaque consommateur a des matières de prédilection, souvent liées à l'usage, assure Anne Raoul-Duval, d'Hanro, le stretch pour le sport, la laine et la soie pour les sports d'hiver.»

Un choix culturel

Le slip, il faut le souligner, est bien plus en vogue dans les pays latins. Les Italiens et les Espagnols en raffolent, entre machisme assumé et coquetterie revendiquée. Une récente visite à Rome a notamment permis d'admirer des slips dans des coloris encore jamais vus, du jaune très jaune au vert océan. On connaît en outre le slip italien pour les femmes, très porté sur la séduction, en mailles ajourées avec broderies. Dans le nord de l'Europe, à cause du froid, on est généralement plutôt caleçon. Aux États-Unis, le slip est regardé de façon légèrement incongrue. Les cow-boys ont largement popularisé les long johns, les caleçons longs, et les Américains sont naturellement enclins depuis à user du caleçon court. Invitez par exemple un ami américain dans une piscine municipale française, et il vous regardera avec de grands yeux quand vous lui direz qu'il faut abandonner son short de bain pour enfiler un Speedo.

Quiconque a passé un peu de temps sur les plages du New Jersey sait parfaitement que le malheureux qui a le tort d'arborer son slip rouge sur l'autre rive de l'Atlantique risque de voir débarquer la police, avertie par le voisin le plus proche. Dans la plupart des cas, on lui demandera simplement de «se couvrir» ou de quitter la plage. Dans des cas plus extrêmes, l'homme au slip se verra menacer de contravention en bonne et due forme pour «outrage aux moeurs». Un détail à méditer avant de prendre son visa pour les «States».

L'esthétique

Évidemment, c'est un peu une question d'appréciation personnelle. Mais quand même, il n'est pas inutile de rappeler quelques règles qui nous semblent élémentaires. Déjà, puisqu'il faut bien en parler, ce n'est pas tout à fait un hasard si David Beckham et sa plastique s'exhibent en slip moulant. Beckham n'a certainement plus grand-chose dans ses socquettes de footeux, mais il a gardé la condition physique. En clair, si vous n'êtes pas capable de courir le cent mètres en moins de onze secondes et si vos abdos ont disparu depuis longtemps sous deux ou trois couches de graisse qui tiennent bien chaud l'hiver, mieux vaut opter pour le caleçon.

Les spécialistes nous le confirment. « On voit souvent des hommes plus âgés et bien enrobés nous demander des tailles pour des slips en lycra brillants bien serrés, confie ce vendeur dans un grand magasin, nous, mine de rien, on les redirige vers les caleçons ou les boxers. C'est quand même plus esthétique non ? » Sa collègue, intriguée par cette discussion à bâtons rompus, intercède : «Moi souvent, j'imagine les types dans leurs mini-slips avec le bide qui dépasse, ça fait plutôt rigoler.» Pas de pitié chez les vendeurs.

Par contre, pour les plus ados, tout est permis. Petit Bateau, d'ailleurs, grand spécialiste français de la culotte, parie sur la vague du slip auprès des jeunes et lance l'année prochaine une série de nouveaux modèles de slips destinés aux 18 ans et plus (taille XL). «Revisité par de nombreuses marques, le slip est en train de devenir un véritable accessoire très attractif pour la nouvelle génération, qui le porte de façon très décomplexée», affirme Gaëlle Licoys, de Petit Bateau.

Chez les internautes, les avis divergent. «Au point de vue esthétique, le soutien symétrique [du slip] est un plaisir pour les yeux, ce à quoi le caleçon ne peut en aucun cas prétendre», assène Chris, sur Gaijin.com. Réponse de Cyril, un tantinet moqueur : «Quand on voit les slips hideux que tu oses porter, ton avis sur la question ne m'étonne guère.» En tout cas, puisqu'on parle d'esthétique, le slip a au moins un inconvénient : on voit la marque sous le pantalon. Alors bien sûr, reste le string. Mais l'expérience est telle que vous avez le droit à un encadré spécial.(lire p. II).

Le verdict

Et le vainqueur est. l'hybride. Non pas la voiture essence/électrique, mais le boxer tout simplement. Parfait compromis entre le slip et le caleçon. Le boxer assure le maintien, mais ne gêne pas à l'entrejambe, il ne marque pas sous le futal, assure une grande liberté de mouvement. Bien sur, ce résultat n'a aucune valeur officielle, il est seulement le résultat d'une semaine d'enquête très sérieuse (mes collègues peuvent en témoigner) dans l'univers du sous-vêtement masculin. Plusieurs représentants de marque de dessous interrogés estiment en outre que le boxer représente bien la tendance du moment, «le modèle en maille avec une coupe caleçon classique».

Notre vendeur préféré, dans le grand magasin le confirme : « Honnêtement, c'est ce que je vends le plus. Ça va aussi bien aux jeunes, aux vieux, aux grands, aux petits, aux gros, aux maigres. Il y en a pour tous les goûts et de toutes les couleurs. » Je ne pourrais pas dire mieux, mais bon, après, personne n'est obligé de me croire.

http://www.liberation.fr/cahier-special/2008/08/13/slip-calecon-les-dessous-de-l-affaire_77979