Le bon sens |
" Nous nous sommes mis au travail, non pas sans respecter
le droit, car nous le portions en nous, mais sans respecter les lois. J'ai décidé
tout de suite que si un paragraphe de loi se mettait en travers de notre route,
je n'en tiendrais aucun compte et que, pour accomplir ma tâche au service
du peuple, je ferais ce que ma conscience et le bon sens populaire me dicteraint
"
Heinrich Himmler, ministre de l'Intérieur du Reich nazi, grand
artisan avec Reinhard Heydrich de la mise en oeuvre des camps d'extermination.
Le soit disant bon sens est biaisé par les biais cognifs.
Le bon sens a t-il sa place dans les pratiques professionnelles ?
« Lorsque que vous ne savez pas ou que la réglementation ne dit rien, faites appel à votre bon sens ! ». Qui n’a jamais entendu ou prononcé cette phrase lors d’une préparation de séjour, d’un stage de formation, d’une réunion d’équipe ou même d’une discussion entre professionnels ?
La notion de « bon sens » prend une place importante dans nos discours d’animateurs, on l’érige très souvent en principe incontournable. Chaque débutant ou nouveau venu dans l’animation doit savoir qu’il lui faudra faire appel à ce fameux bon sens, le mettre en avant dès que la situation l’exige et que la réglementation reste muette. Cela sans même savoir ce qu’est vraiment « le bon sens » ni ce qu’il faut y mettre derrière.
Pourtant, le bon sens à t-il vraiment sa place dans l’animation ? Doit-on nécessairement le considérer comme la solution à chacune des questions laissées sans réponse ?
Vaste sujet, je vous l’accorde. Mais non moins essentiel lorsqu’il s’agit de la sécurité des milliers d’enfants accueillis au sein de nos structures.
Bien que cet article ne puisse sans doute pas imputer à la notion de bon sens sa popularité et sa légitimité, il aura au moins le mérite de poser les bases d’une nouvelle réflexion.
I/ Que dit la loi sur le bon sens ?
À la question « que dit la loi sur le bon sens ? », la réponse est on ne peut plus simple : rien… Aucun texte n’évoque, ne serait-ce qu’une fois, le bon sens. L’arrêté du 22 juin 2007, fixant les modalités d’organisation du BAFA, précise que ce dernier a pour objectif de préparer les animateurs à « assurer la sécurité physique et morale des mineurs ». L’article 121-3 du code pénal évoque, lui, une « obligation de prudence et de sécurité ».
En aucun cas ces deux textes, qui sont pourtant essentiels lorsqu’on parle du cadre juridique et des fonctions de l’animateur, font appel à un quelconque bon sens. Pourquoi donc ériger ce dernier en principe incontournable, alors même qu’aucun texte officiel n’en ressent le besoin ?
La réponse se trouve sans doute dans le fait que l’impression de bon sens est la chose la mieux partagée du monde, dans la mesure où tout le monde est convaincu d’en être doué. Et pourtant, cela est loin d’être toujours le cas…
Une autre réponse est, sans nul doute, due à une erreur de langage. Nous évoquons souvent le bon sens lorsque nous tâchons de répondre à la question « Que ferait une personne normale dans telle ou telle situation ? » C’est alors que, par humanisme ou ignorance, nous utilisons le concept de bon sens.
Le juge, pour tenter de répondre à cette question, fait appel à la notion « d’individu standard ». Un individu standard n’est pas doué de bon sens, mais il est au fait de la loi et des obligations qui sont les siennes. Concernant un animateur, un individu standard est un animateur qui a conscience de ses obligations de surveillance et de vigilance et envisage simplement le risque de ses actes.
II/ Le bon sens : une qualité universelle ?
« Avoir du bon sens » parait être une qualité partagée par tous, comme une évidence. Pourtant, à y regarder de plus près, on se rend vite compte que chaque individu a sa propre conception du bon sens.
Pour une même situation durant laquelle il faut faire preuve de bon sens, celui-ci va faire comme ceci, celui là va faire comme cela, alors qu’un troisième va encore faire autrement. Les élections présidentielles sont d’ailleurs une bonne illustration de cette idée. Pour plusieurs électeurs, le bon sens, c’est évidemment de voter pour tel candidat. Inversement, pour d’autres électeurs, le bon sens c’est, bien entendu, de voter pour son adversaire.
Les hommes sont par nature différents les uns les autres. Alors comment pourraient-ils être dotés d’un même « bon sens » leur permettant de réagir à toutes les situations de la même manière, et en toutes circonstances ? L’exemple utilisé au dessus nous montre bien que cela n’est pas possible. La notion de bon sens est clairement subjective et personnelle. Elle fait appel à un vécu et à une réflexion propre à chacun. C’est pourquoi, il semble préférable de l’écarter de nos discours et de nos pensées.
À ce stade, une question fait alors logiquement son apparition. Que faire si les textes ne nous disent rien et qu’on laisse le concept de bon sens de côté ? En effet, ce bon sens aurait au moins le mérite de combler les vides juridiques et être ainsi rassurant. Pourtant, soyez rassurés ! Nous allons maintenant voir qu’il n’est pas le seul à remplir cette fonction.
III/ Mais que faire sans la notion de bon sens ?
Lorsque vous posez une question à un juriste alors qu’il n‘existe aucun texte pour y répondre, son réflexe va être de rechercher un autre texte, pour tenter de l’étendre et de l’appliquer à votre cas. Procédons de la même façon. Nous avons dans notre arsenal juridique plusieurs textes qui mettent en avant la nécessité d’assurer la sécurité physique, morale et affective des mineurs. D’autres évoquent une obligation de surveillance, de prudence, de diligence et de soin à l’égard des mineurs.
Utilisons donc ces textes pour combler les vides juridiques que peut laisser la réglementation. Répondons à l’absence d’une loi par une loi. Ainsi, lorsque la réglementation ne nous aide pas ou nous laisse une grande marge d’interprétation, posons nous toujours la question de la sécurité des mineurs, de la surveillance, de la prudence, de la diligence…
Cela est sans doute la meilleure solution pour préserver la santé des mineurs et ne pas engager sa responsabilité, tout en remplaçant un bon sens qui on le sait n’est pas universel.
Au bout de cette réflexion, il semble désormais possible de réaliser l’impossible : dire au revoir au si populaire bon sens, afin d’accueillir celle dont il se faisait un dévoué remplaçant : la loi.
http://www.jurisanimation.fr/?p=708
Exemple :
Le bon sens pourrait nous indiquer que plus
les corps sont lourds et plus ils tombent vites. La preuve pourrait consister
à constater que l'impacte au sol en est plus forte à l'atterrissage
des corps lourds. Hors il n'en ai rien. La chute des corps se fait à
la même vitesse mais elle est ralentie par le frotement de l'air qui est
lui-même contrebalancé par l'inertie
du corps qui dépend de sa masse. La vrai preuve consiste à constater
la chute des corps dans le vide qui est la même pour tous les corps.
Concernant la prise en charge
d'un enfant, le bon sens pourrait consister à dire que seul un adulte
pourrait récuperer un enfant alors qu'il n'en ai rien.
Ainsi le bon sens n'est-il pas toujours un argument
valable. Le bon sens est un des argumens de la Terre plate hors elle est ronde.
Le bon sens c'est simplifier une situation par ces croyances et de trouver sur la base de ces données erronnées une évidence de solution.
Le sens commun :
La notion de sens commun se rapporte à une forme de connaissances regroupant les savoirs largement diffusés dans une culture donnée : normes, valeurs et associations symboliques. C'est ce que l'on nomme le « gros bon sens » ; cela fait souvent référence à des opinions, croyances, et perceptions largement partagées au sein d'une organisation sociale donnée.
Dans l'Antiquité, la notion de sens commun désigne les classifications communes qui permettent de passer des perceptions à l'identification des choses et des gens. Au XVIIe siècle, Descartes l'assimile au « bon sens », et au siècle suivant, Voltaire le définit comme la notion première des choses, que la philosophie n'a pas travaillé.
Avec l'avènement des sciences, les sciences sociales reprennent cette notion en tant qu'objet d'étude, montrant comme les principes du sens commun varient selon le milieu. Ils utilisent aussi cette notion pour expliquer la distinction entre une démarche scientifique pour arriver à une explication d'un phénomène social donné et le « gros bon sens », le « sens commun », qui ne repose pas sur une telle démarche intellectuelle et qui ne recherche pas la scientificité.
À l'origine, le « sensus communis »
La notion de « sens commun » descend de son ancêtre latin « Sensus communis », présent dans l'Antiquité mais avec une signification différente de celle que nous lui connaissons aujourd'hui.
Aristote1 a d'abord formulé dans le traité de sensu et sensibilibus une réflexion sur la perception (aisthesis), dans le sens de sensibilités communes (koinè aisthesis). Dans la métaphysique de la psychologie, le sens commun est une faculté que l'on est obligé de postuler pour rendre compte de la synthèse par notre conscience des sensations issues de nos différents sens. Autrement dit, le sens commun est le sens qui permet la synthèse des données attribuables aux différents organes sensoriels2. Ce « sens commun » se rapporte autant à l'unité du sujet sensitif qu'à celle de l'objet senti ; il perçoit en outre les « sensibles communs » et nous donne conscience de la sensation (synesthésie) : ce n'est pas par la vue que l'on voit qu'on voit.
Cette ligne de pensée sera au centre des débats philosophiques relatifs à la théorie de la connaissances jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Une seconde ligne de pensée philosophique fait du sens commun (sensus communis) une analogie ou une synonymie avec la notion de rationalité commune et d'opinion.
Au Moyen Âge, la redécouverte des textes aristotéliciens et leur ré-interprétation dans le contexte de controverses scolastiques placera le concept de koinè aisthesis au centre de la théorie des facultés. Thomas d'Aquin considère que le sens commun est l'un des quatre sens internes avec l'imagination, l'estimative, et la mémoire4. La question du support physiologique de la faculté psychologique du sens commun se rattachera tantôt au « cœur » tantôt au « cerveau ».
Descartes, critiquant la tradition aristotélicienne et scolastique, contribuera à disqualifier ce concept (koinè aisthesis) en logeant le sens commun dans la glande pinéale. Au lieu du sens commun, il préférera employer l'expression « bon sens », dès l'ouverture du Discours de la méthode, avec la phrase célèbre : « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ».
Plus tard, le sens commun référera aux humanités, à la sensibilité et à la raison. L'individu qui n'est pas doué du sensus communis est fou. Cette définition du sensus communis a beaucoup influencé la philosophie et notamment les philosophes des lumières. Il prendra le parti de l'âme et de l'esprit contre celui du corps et des sens trompeurs. Le dualisme cartésien tendra à connoter d'une valeur péjorative le sens commun, comme source de l'opinion, ennemie des idées claires et distinctes.
Voltaire, dans son dictionnaire philosophique, tend à confondre le sens commun et le bon sens, ce dernier étant défini comme « raison grossière, raison commencée, première notion des choses ordinaires, état mitoyen entre la stupidité et l’esprit ».
Il faudra attendre le XVIIIe siècle pour que Kant admette en termes explicites et positifs une « idée du sens commun » comme norme idéale dans les jugements de goût. En France apparaît aussi (au XVIIIe siècle) une philosophie du sens commun d'inspiration religieuse et anti-cartésienne avec Claude Buffier, Fénelon et Lamennais.
Destutt de Tracy forge en 1798 le concept d'idéologie pour désigner l'étude scientifique des idées à la suite du sensualisme de Condillac, qui établit le rôle déterminant du langage dans la formation des idées complexes. Pour Destutt de Tracy la diversité de nos dispositions individuelles n'empêche pas que la vérité soit la même pour tous et qu'il y ait une raison générale et un sens commun et universel. Nous sommes toujours d'accord quand nous ne mettons dans une idée que « ce qui est ».
Le concept de « sens commun »
Le sens commun est constitué de savoirs organisant la vie sociale mais pas forcément universels. Le sens commun est sous-jacent aux règles de validation qu'exige la science, que seule la critique philosophique peut faire connaître. D'un point de vue pragmatique, le sens commun est un raisonnement historique, permettant de donner du sens et de répondre facilement aux problèmes et aux informations que les individus rencontrent dans la vie courante. Il est souvent perçu comme « naturel », « inné » ; il semble aller de soi : « Je ne vois pas comment je pourrais penser et agir autrement ».
Dans la philosophie des Lumières il devient une sorte de bon sens, de bonne morale et de logique universelle. « une connaissance minime, inscrite dans les choses mêmes, et que toute société détient de façon quasi génétique. »
L'anthropologue Clifford Geertz définit le sens commun comme un «
système culturel » et déclare qu'« il peut varier
radicalement d’un peuple à l’autre ». Il brise ainsi
l'universalité que certains attachaient à ce concept. Geertz a
travaillé sur le concept de culture et a étudié le sens
commun dans diverses sociétés en rejetant la position de l'ethnocentrisme.
Pour Alfred Schütz, le sens commun est comparable à un « mode
d'emploi » car il permet de savoir comment se comporter au sein d'une
culture donnée.