Naissance du principe Jù : l'adaptation, la souplesse

La réalité :
De quand date l'utilisation du principe "jù" en arts martiaux et donc des jùjutsus ?

Chin Genpin venu de la Chine des Ming soit :
- pour enseigner au Japon
- pour parler de kenpo au Japon

ou

Trois rônins qui aurait écouté Chin Genpin :
- Fukuno
- Miura
- Isogai

ou

Akiyama Shirobei Yoshitoki de l'école Yoshin-ryu qui aurait appris trois techniques de hakuda en Chine et les aurait développé au Japon.

La réponse la plus honnête est "on n'en sait rien", mais probablement que l'idée s'est developpé au file du temps au Japon.

Page 84 et 85 de Kanô Jigorô "Du Jùdô et sa valeur éducative comme pédagogique" de Yves Cadot

La légende :
La légende sur la création du principe Jù connaît de nombreuses versions dont les seuls points communs sont les différents effets du poids de la neige sur des parties rigides ou souples de végétaux.

Bon nombre de version présente Jigorô Kanô comme étant le protagoniste de la légende.
Le principe de l'adaptation n'est pas le résultat de la pensée de Jigorô Kanô (1860-1938) car ce principe existe depuis bien plus longtemps dans un passé insondable. En effet le terme japonais Jùdô lui-même (voie de la douceur ou de la souplesse) fut utilisé près d’un siècle avant le Maître Jigorô Kanô pour qualifier l’école du Jikishin-ryu. Le nom de Jigorô Kanô s'est substitué à celui de Akiyama Shirobei Yoshitoki car la naissance du principe Jù a été confondu à la naissance du jùdô et que le nom de Akiyama Shirobei Yoshitoki n'est pas connu de la plupart des jùdôkas.

Concernant les végétaux mis en avant :
Les végétaux mis en avant sont le saule, l'osier, le chêne, le roseau, le cerisier et "de nombreux arbres" qu'on sous-entend rigides.
Le chêne et le roseau est une version occidentalisé tiré de "Le Chêne et le Roseau" qui est la vingt-deuxième fable du livre I de Jean de La Fontaine situé dans le premier recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois à Paris en 1668 par l'éditeur Claude Barbin. Le cerisier est une adaptation de cette sur-occidentalisation pour substituer le cerisier (arbre plus japonais occidental) au chêne (arbre plus occidental).

Le "Saule" et plus rarement évoqué l'"Osier" ("L'annuaire Officiel du jùdô International" page 17) sont en réalité la traduction d'un même mot en japonais "yanagi". En effet, il n'existe aucune différence entre le saule et l'osier car ce dernier est constitué des pousses de l'année de certaines variétés de saule.

Tantôt on compare les branches du saule avec celles des autres arbres tantôt on compare les branches du saule entre elles :
Comparer les branches les plus anciennes et donc rigides aux branches les plus jeunes et donc les plus souples porte en elle une difficulté qui est de mettre en avant les qualité des jeunes au défaut des anciens pouvant faire penser au jeunisme.

La version autenthique vient de l'école Yoshin-ryu :
Un jour de neige, pendant l’hiver, alors que Akiyama Shirobei Yoshitoki méditait dans la cours du temple, il observa la neige qui tombait sur les branches d’un saule et constata que les branches les plus raides cassaient sous le poids de celle-ci alors que les branches les plus souples pliaient sous le poids de la neige et se redressaient. Ainsi Shirobi eu la révélation du principe (souple).

Selon Yves Cadot, le caractère Jù issu du chinois classique se prononce Djiou. Les dictionnaires Couvreur, Ricci et Wieger désignent ce caractère chinois comme provenant du radical 75 Mu : le bois. Cette racine est redoublée et le caractère Jù (Jou, Jeou, Rou) (2451 du Ricci) signifiait donc, à l’origine, jeune plante, jeune pousse... et, par extension flexible, élastique, tendre, souple, doux. On retrouve ce caractère dans un texte classique, le LIJI (Li Ki), ou Livre des Rites où il est affirmé, au chapitre 72 " Jou Neng Ke Kang " : " Plus fait douceur que violence ". On retrouve également, en Chine, une école philosophique de tendance néo-confucianiste, se nommant Jù Tao (Rudao) (Jùdô en japonais !), fondée en 1127 : " La Voie de la douceur ". Ce caractère Jou (flexible) illustre bien l’anecdote de la fondation du Yoshin-ryu où le Maître Akiyama Shirobei Yoshitoki eut l’illumination en voyant une branche de saule (Yo) ployer (Jù) sous la neige et se redresser.

En réalité, cette notion n'est pas réellement lié à l'âge mais à la capacité d'adaptation. Quand l’adversaire tire, on pousse et quand l’adversaire pousse on tire. Les branches rigides sont la représentation de l'esprit obtus qui ne peut pas se remettre en question et apprendre à corriger ses erreurs alors que les branches souples représentent la capacité d'adaptation, à se remettre en question, à changer d'avis.

« Qui se plie sera redressé
Qui s’incline restera entier

Rien n’est plus souple que l’eau
Mais pour vaincre le dur et le rigide
Rien ne la surpasse

La rigidité conduit à la mort
La souplesse conduit à la vie »

Lao-Tseu (300 av. JC)