Le testament caché de Jigorô Kanô |
Jigorô Kanô était
un haut fonctionnaire très écouté et parfois entendu. Le
texte qui suit est un extrait du texte que M. Jigorô
Kanô a lu en octobre 1893, lorsqu’il était Doyen de l’Ecole
Normale Supérieure lors d’une conférence
très remarquée qu’il fit devant plusieurs haut fonctionnaires
du cabinet spécial de l’Empereur. Jigorô
Kanô était alors doyen de l’école normale supérieure.
Ce texte de cette conférence vint à la connaissance du consul
de France à Tokyo qui en transmit une copie a son ministère de
tutelle, le Ministère des Affaires étrangères. Une version
largement expurgée fut par la suite diffusée par le collège
des ceintures noires sous le titre de “ l’éducation par le
jùdô” et
publiée par le collège des Ceintures.
Voici quelques éléments malheureusement moins connus, mais assez
explicites quand on connaît l’attrait des japonais pour l’art
de la suprématie.
“Voulez-vous connaître le véritable secret du jùdô
?
Le jùdô tel que
je l’ai conçu est une métaphore scientifique. Il apporte
une réponse précise à plusieurs problèmes actuels.
Le premier est la préoccupation du peuple japonais et de son empereur
qui a ouvert l’ère de la prospérité Meiji.
Afin d’écraser les étrangers, il convient tout d’abord de savoir céder (Joi) en utilisant la souplesse (Jų), c’est à dire ouvrir les portes du japon, accepter la technique étrangère afin de pouvoir la copier et d’utiliser, ainsi leur propre force, leur technologie pour les culbuter en dépensant un minimum d’énergie.
Ce principe d’utilisation rationnelle de l’énergie motivant la métaphore scientifique du jùdô peut être ainsi appliqué à l’amélioration de l’activité d’affaire. L’étude et l’application de ce principe essentiel dans toute sa généralité sont beaucoup plus importante que la simple pratique du jùjutsu.
Ce n’est pas seulement par le procédé que j’ai suivi que l’on peut arriver à saisir ce principe.
On peut arriver à la même conclusion par une interprétation rationnelle des opérations quotidiennes en affaires, ou par un raisonnement philosophique abstrait.
Cette métaphore jùdô s’adresse bien à l’ensemble de la nation japonaise : mettre l’étranger dehors mais également indiquer aux anciens samurais comment réussir dans les affaires tant japonaises qu’internationales.
Pour faire du profit, il faut utiliser gratuitement la force et l’énergie des autres : force du travail et énergie de création.
Je puis ajouter que la rationalisation des savoir faire (know-how) médiévaux, qui ont fait la force et la réputation de notre empire, peut être appliquée dans tous les domaines et particulièrement dans l’industrie.
Quand on a bien compris l’importance réelle de ce principe essentielle, il peut être appliqué à tous les aspects de la vie et de l’activité tant sociale que professionnelle et nous permettre de mener la vie la plus haute et la plus rationnelle. (...)
Le but final du jùdô est donc d’inculquer à l’homme inclus dans la société une attitude de respect pour le principe de l’efficacité maximum et du bien être de la prospérité mutuelle et de le conduire simplement à observer ce principe.
Enfin, il me semble que si cette métaphore scientifique du jùdô venait à se développer en dehors de nos frontières sans que les étrangers en connaissent les principes essentiels, elle serait un vecteur des plus favorables en faveur de nos exportations.
En effet, chaque pratiquant de jùdô formé à la méthode japonaise et fier de l’être, serait plus favorable à l’acquisition de biens provenant directement de notre production nationale.
L’éthique morale et physique développée par le jùdô en ferait un représentant honorable de notre civilisation, de notre culture et de nos produits vis à vis de ses compatriotes.
La métaphore scientifique du jùdô représente donc le fer de lance de notre implantation à l’étranger dans les années futures. Cela n’a pas de prix. ”
Cette conférence fut longuement acclamée et ponctuée de nombreux “ Banzaï ! ” et “ Dix milles années pour l’Empereur ”.
Cette conférence fut reprise par le Maître Kano devant la Diète
japonaise quelques années plus tard.
Il commença son discours de la façon suivante :
"Messieurs, croyez vous qu'un homme de mon âge et de ma condition
perdrait son précieux temps à enseigner comment simplement jeter
quelqu'un par terre ?
Non, Messieurs, le Jùdô
est une métaphore scientifique et je vais vous expliquer maintenant pourquoi..."
Et il reprit l'argumentation développée
dans sa conférence.
Que dire de ce document qui fut, par ailleurs, en partie publié dans la brochure " Les bases fondamentales du Jùdô" éditée par le Collège National des Ceintures Noires ?
Tout d’abord qu’il y a simplement prescription puisque Jigorô Kanô s’exprimait dans le contexte politico-économique spécifique à la transition entre la période post-médiévale du Shogunat de l’ère d’Edo (1615-1668) et le renouveau de l’ère Meiji qui vit la modernisation, sinon l’occidentalisation, du Japon dit moderne.
De plus, il faut replacer ce discours dans le contexte de la difficile période
de transition du japon à cette époque.
Jigorô Kanô ne
faisait que suivre les indications de Inouye
Kaoru quant au but recherché : faire du japon une des premières
puissances occidentales.
Le Judo fut un des moyens utilisés avec le succès que l’on
sait.
Précisons encore que les Arts Martiaux, Jùdô
y compris, furent rattachés le 1er Juillet 1899 au Ministère de
la Guerre et que Jigorô
Kanô fut immédiatement nommé Président du Centre
d’Etude des Arts Militaires Japonais.
Les liens entre le Jùdô
et la politique furent, à cause de la position de Jigorô
Kanô et de ses relations influentes, pendant longtemps étroits.
Plusieurs des plus hauts gradés du Kodôkan
mirent leurs connaissances au service de causes très diverses.
On peut, par exemple citer le cas de Shiro Saigo qui fut le conseiller personnel
et le garde du corps de Sun Yat Sen, futur fondateur de la République
Chinoise lorsqu’il était réfugié au Japon. Pour sa
part Ryohei Uchida, l’un des tous premiers disciples de Jigorô
Kanô, et l’un des piliers du Kodôkan,
fut l’un des fondateurs de la fameuse " Société du
Dragon Noir " (Kokuryu Kai) qui, sous l ‘égide de Mitsuru
Toyama, regroupait l’élite des nationalistes japonais : Nakamura,
Sasaki, Obuko, Tanaka, Kazuo, Takamura, Obata, Nakajima etc. et qui, pour la
plupart, descendaient des plus grandes familles de samurai et dont le but avoué
était le retour aux valeurs traditionnelles du Japon médiéval
et le rejet pur et simple des valeurs occidentales.
Les âmes les plus charitables ne manqueront pas de remarquer que ce discours pouvait avoir également pour but, en utilisant également la métaphore du jùdô, de faire accepter que le jùdô puisse être exporté vers l’étranger (il faut se rappeler que Shiro Saigo - dont vous pouvez voir la vie dans l’excellent film de Kurosawa ayant défié puis battu et ridiculisé les tenants des anciens jùjutsu, le jùdô était donc perçu comme le summum de la tradition martiale nippone à l’époque), mais également qu’il soit enseigné sur une grande échelle au sein même de son pays d’origine..
À la même époque en Europe commençait à se faire entendre les discours stupides et criminels d’un patriotisme imbécile qui allait déboucher sur les boucheries de la 1re guerre mondiale.
Les mêmes causes produisant les mêmes effet, il faut savoir que plusieurs des hauts gradés du jùdô de cette époque, se mirent au service de causes diverses, Ryohei Uchida fondant par exemple le kokuryu kai (société du dragon noir, regroupant “ l’élite ” des nationalistes japonais)