Kagami Biraki : |
Le Kagami Biraki, tradition japonaise introduite au Kodokan en 1884 par Jigoro Kano, revêt une importance toute particulière dans le jùdô. Elle permet de se retrouver entre amis de façon conviviale sur les tatamis à l’occasion de la nouvelle année (oshogatsu). Le Nouvel An est une des fêtes les plus importantes au Japon (akemashite omodeto gozaimazu ! : Bonne année !). C’est une façon de retourner aux sources dans les domaines de la technique, de la culture et de la tradition, spécifiques au jùdô.
Cette fête trouve ses origines il y a plus de 300 ans. Le Shogun Tokugawa, dirigeant militaire du Japon, partagea avec ses daimyos, des gouverneurs féodaux, un tonneau de sake (komodaru), la veille d’une bataille. Celle-ci fut victorieuse. Cet acte devint alors une tradition célébrée par les samouraïs et les familles du Bushi. À cette occasion, ceux-ci en profitaient pour sortir leurs armes et armures de leurs coffres, afin de les nettoyer et les exposer. Pour les purifier, ils plaçaient devant l’autel un petit miroir (kagami) symbole d’harmonie et d’ouverture et des gâteaux de riz eux aussi en forme de miroir (kagami mochi) Initialement fêtée tous les 20 Janvier, sa date est modifiée suite au décès du Shogun Tokugawa Iemitsu, le 20 Janvier 1651. Le kagami biraki est célébré traditionnellement le 11 janvier depuis 1652, partageant cette date avec un autre rite : le kura-biraki (kura étant un grenier à riz, cette fête correspondait à la reprise du travail).
Aujourd’hui, dans de nombreux dôjo dans le monde, cette fête marque la cérémonie des vœux. Il est fêté le deuxième dimanche de janvier. Elle marque ainsi la fin de l’année d’entrainement. L’intérêt de cette cérémonie est de relancer les efforts des pratiquants alors en plein kan-geiko (entraînement du froid) afin de redonner de la motivation. Cela permet aussi de signifier qu’un nouveau cycle commence. Elle permet, de nos jours encore, de partager, de resserrer, de souder les liens sociaux entre les individus au travers d’une même pratique, basée sur une philosophie de vie et de montrer que l’on fait partie d’une même famille. Elle permet également de féliciter les élèves et professeurs pour leurs efforts.
Elle se déroule selon un même programme :
- vœux (traditionnellement, un discours était prononcé par
Jigoro Kano ainsi que par
les professeurs du Kodokan)
- présentation de kata
- randori
- remise de grades
À cette occasion, les judokas ayant reçu un grade dans l’année s’occupent de l’organisation (mise en place des tables et nettoyage) et de la préparation des plats. Ensuite, les gâteaux à base de riz gluants en forme de miroir.(kagami mochi) sont brisés à l’aide d’un maillet, ou à la main puis mélangés à une sorte de soupe de haricots rouges sucrés (o-shiruko) prise en commun. Conformes à la tradition, ils brisent également le couvercle d’un tonneau de sake (komodaru), à l’aide d’un maillet, pour le déguster dans le cadre d’un cérémonial shinto. Les kagami mochi, ces gateaux représentent le miroir dans lequel nous devons nous regarder pour faire un point sur l’année écoulée.
Les termes kagami biraki se composent de trois kanjis :
- un pour kagami - miroir
- deux pour biraki provenant du verbe hiraku - ouvrir
L’expression se traduit littéralement par "ouverture du miroir"
Le miroir est un élément symbolique important au Japon.
En effet, il fait partie des trois Trésors Impériaux légendaires
du Japon (Sanshu no jingi) à savoir :
- l'épée, Kusanagi-no-Tsurugi, représentant la valeur
et la faculté de partager
- le pendentif appelé Yasakani-no-Magatama, illustrant la bienveillance
et la faculté d'apprendre
- le miroir de bronze, Yata-no-Kagami, symbolisant la sagesse
et la faculté de comprendre
Le Yata no Kagami. célébre du retour du soleil et de la lumière.
La célébration du kagami biraki reflète certains des mythes
fondateurs de la culture japonaise. Kagami signifie miroir.
Kagami biraki est souvent traduit par :
- polir, nettoyer le miroir,
- casser le miroir
- le jour des armures
- briser les gâteaux de riz
.De nos jours, l’expression est couramment associée au fait de
briser le dessus d’un tonnelet de saké lors des fêtes les
plus diverses.
L’emblème du Kodokan à la forme du miroir octogonal (yata). Selon la légende, le miroir yata, à la différence des autres miroirs, ne reflète pas le visage mais l’âme de celui qui regarde. Le cercle rouge central et le miroir symbolisent ainsi la quête du judoka vers un idéal d’honnêteté et de pureté.
En France :
Meilleurs Voeux ! KAGAMI BIRAKI C’est ainsi chez les Hommes, les moments essentiels de la vie sont marqués par des fêtes. Cette fête, qui nous réunit en début d’année, c’est la cérémonie des vœux instaurée pour la première fois en France par Jean-Lucien Jazarin (1900 – 1982) alors Président du Collège National des Ceintures Noires, le 9 Janvier 1965. On appelle parfois cette cérémonie : « Soirée Shin », en rappel de l’élément SHIN de la trilogie SHIN GHI TAI : SHIN : Vouloir recruter toute la force de son esprit, GHI : Savoir affiner inlassablement sa technique, TAI : Pouvoir respecter son corps et rester dans les limites de son potentiel physique. C’est le Shin qui caractérise ce qu’il est convenu d’appeler « la Culture Jùdô ». En effet, partie intégrante de notre activité, la « Culture Jùdô » s’en distingue et distingue celui-ci des autres sports. Elle est fortement imprégnée de la culture nippone. Au Japon la cérémonie des vœux est appelée Kagami Biraki, qu’on peut traduire par : « Ouvrir le miroir » ou « Polir le miroir ». C’était à l’origine un des rites pratiqués dans les familles de la noblesse d’épée. Lors de cette cérémonie, les participants échangeaient des galettes de riz représentant le miroir dans lequel ils devaient se regarder pour faire un point sur l'année écoulée. Le bilan étant fait, polir le miroir prend valeur d’acte purificateur, c’est une sorte de rejet du passé, par lequel on efface ses erreurs, mais aussi ses regrets et ses remords. Il faut maintenant Regarder la Vérité en face ! Le miroir poli, nettoyé, rappelle qu’à chaque jour suffit sa vérité et sa peine. La conscience ainsi apaisée, lisse comme un miroir, le Bushi, comme le Jùdôka peut adopter la posture traditionnelle qui caractérise la nouvelle année : la prise de bonnes résolutions. Au premier rang de celles-ci, je recommande à votre attention le trésor de notre « Culture Jùdô »: le respect de l’étiquette. La codification des gestes et du cérémonial de la politesse encadre la vie au dôjo. Élément primordial de l’étiquette, le salut symbolise le respect dû à soi-même, à l’activité, au lieu, aux Maîtres, aux partenaires. Contrairement au Code moral qui se décline en concepts, l'étiquette Jùdô se passe de mots sans perdre sa valeur éducative. Cette étiquette, enseignée dès l'enfance, permet de discipliner les passions, elle rend possibles et agréables les rapports sociaux. Dans les dôjos, elle a la même utilité mais, en plus, elle peut faire éclore en chacun les sentiments qui correspondent aux gestes et au cérémonial. De même qu'une attitude grossière, le laisser-aller, les positions négligées ou désinvoltes favorisent les sentiments bas et vulgaires, de même, une attitude noble, correcte, respectueuse, favorise l'épanouissement de sentiments nobles et élevés. Le Dôjo lui-même, lieu séparé de l'espace commun, obéit à des règles d’orientation portant une signification symbolique comme on l’a décrit précédemment. L'enseignant, dos au kamiza, face au sud reçoit la lumière du soleil, symbole de la connaissance qu'il doit transmettre. Les élèves ne peuvent voir cette lumière qu'au travers de la réflexion qu'en offre l'enseignant, lequel se doit donc d'être le miroir le plus fidèle possible de la Tradition. La fête saisonnière du Kagami que nous célébrons chaque année rejoint la tradition universelle, proche du solstice d’hiver elle rappelle le culte de Janus aux deux visages pratiqué par les Romains elle porte le témoignage de croyances transmises par nos anciens comme un miroir offert à notre contemplation. La nature étiolée témoigne de la puissance des ténèbres, et pourtant le soleil a dépassé le point astronomique à partir duquel il reprend son ascension. C’est l’annonce du réveil de la nature endormie. Symbole de renaissance, il nous délivre un message d’espoir : l’homme nouveau de la nouvelle année peut surgir du « vieil homme de l’année passée ». J’ai beaucoup parlé du Kagami, le miroir. Que ce miroir tendu apporte à chacun les bonnes réponses, et à défaut de réponses, de bonnes questions.