Tori et Uke : |
Tori
ne peut progresser qu’à partir de ce que propose Uke
dans ses déplacements et la consistance de son corps. Initialement c’est
à Uke
de faire en sorte que Tori
ressente le kuzushi et le tsukuri.
Chez le débutant Tori
ne peut le réaliser parce qu’il ne peut le ressentir. Cette façon
de faire enrichira les deux pour plusieurs raisons et illustrera la notion de
‘minimum d’effort pour le maximum d’efficacité’
:
- c’est ensemble qu’ils vont découvrir
- Uke
en faisant ressentir ces mises en déséquilibre à Tori
saura les éviter dans le temps de l’opposition.
- Grâce à ce travail de Uke
Tori
ne pourra pas mal faire. Progressivement c’est lui qui placera Uke
dans le bon déséquilibre .
- Armé de la sorte Uke
bâtira sa défense plus tard, il anticipera, évitera, esquivera,
et c’est alors que Tori
enchaînera plutôt que de faire uniquement des attaques directes.
- Le Jùdô deviendra
alors une « conversation motrice » entre eux
Cette démarche pédagogique conduit également à donner à l’enseignement une co-notation comportementale de l’individu par rapport au groupe. La connivence qui préside à l’acquisition conduit réciproquement à la prise de conscience de l’importance d’autrui, son respect, la découverte de la richesse des différences. Faire le Jùdô revient à apprendre à lire l’autre. Le lire c’est le considérer tel qu’il est et apprendre à bâtir avec lui. C’est la tolérance matérialisée comme échafaudage de toute vie en société et générée par l’amitié.
L'entrainement en bùdô se déroule en deux phases :
- le duo-coopératif
- le duel-opposition
Le duo-coopératif :
Tori et uke sont les deux rôles
lors du duo-coopératif dans les arts martiaux japonais ; tori est celui
qui exécute l'exercice (qui fait l’action) et uke
est celui qui réceptionne l'action.
Lors de l'entraînement il y un contrat tacite entre tori et
uke. Tori s'engage à
mettre en confiance uke
et ne pas lui faire mal c'est à dire à le respecter
et uke s'engage à avoir confiance
en tori et coopérer.
Si tori fait mal à uke, uke
n'aura plus confiance en tori et
ne se laissera plus faire.
Si uke n'a plus confiance
en tori et ne se laisse plus faire, tori finira par faire mal à uke.
Le respect et la confiance que l'on accorde à son adversaire lors d'un combat basé sur le jùdô sont absolus et primordiaux. Grâce à cela, et malgré la grande dangerosité des prises effectuées, le jùdô est l'un des sports où surviennent le moins de blessures et d'accidents ; de nombreux pratiquants n'ont jamais connu la moindre blessure, que ce soit à l'entraînement ou en compétition, et ce même après plus de dix ans de pratique régulière. Au jùdô, les valeurs morales sont plus importantes que la technique elle-même.
Fuir c'est s'éloigner du danger. Comme dans un combat basé sur le jùdô, l'adversaire cherche à garder intacte l'intégrité physique de son adversaire, fuir un combat basé sur le jùdô n'a pas de sens.
L'attitude d'Uke :
Il existe trois attitudes de Uke envers Tori :
1- le Uke mou qui se désintégre sur place lorsque Tori le touche
2- le Uke qui tient debout et qui est à l'écoute, disponible,
réceptif aux actions de Tori
3- le Uke qui résiste, qui bloque et qui refuse de se laisser faire
Uke doit être à l'écoute, disponible, réceptif aux actions de Tori, ne pas se désintégrer sur place, ne pas bloquer ou refuser de se laisser faire : il collabore
Exemple :
Tori pousse Uke alors
1- Uke tombe en arrière au lieu de simplement reculer
2- Uke recule sans tomber
3- Uke bloque, ne recule pas et ne tombe pas
La bonne attitude est celle de Uke qui tient debout et qui est à l'écoute, disponible, réceptif aux actions de Tori. Les débutants ont tendance à adopter l'une ou l'autre des deux autres attitudes. Ils ont tendance à être manichéen ; si on leur reproche l'attitude 1 ils adoptent l'attitude 3 et inversement. Il faut donc insister dès le départ avec un exemple d'un bon Uke.
Étymologie et signification :
Tori :
Le kanji de "tori" se compose de deux kanjis : Toru qui signifie "saisir"
et Te qui désigne la main. L'adjonction du kanji "main" a donc
changé la prononciatin du premier kanji (torute est devenu torite, puis
tori). Ce mot veut dire saisir et donc attaquer. L'action de Tori s'appelle
une "prise" et consiste à saisir l'adversaire pour effectuer
un contrôle puis une déstabilsation afin d'arriver à la
maîtrise d'Uke ; C'est donc celui qui projette.
Uke :
Le kanji de "uke"
représente deux mains s'échangeant un objet et porte l'idée
de réceptionner
dans sa chaire. Le verbe ukeru, réceptionner,
a aussi donné le terme ukemi
qui désigne les réceptions de chutes.
Uke : Ce mot signifie réceptionner.
C'est donc celui qui accepte.
Rôle de tori :
Tori est le nom de celui qui exécute l'action décisive dans un
enchaînement de techniques
soit à son initiave d'attaque soit à sa réaction de défense
et/ou de riposte.
Il incarne le principe de Seiryoku
zenyo (le bon et habile usage de l'énergie). Il doit mettre
en confiance uke
et ne pas faire mal à uke.
Lors d'une projection, tori contôle uke pour :
- amener uke à tomber sur le dos pour :
-
ne pas blesser uke
-
pour sauvegarder l'intégrité physique de uke
-
pour garder la confiance de
uke
-
marquer ippon
- empêcher uke de s'échapper
Rôle de uke :
Uke est celui qui réceptionne l'action décisive dans un enchaînement
de techniques soit à
son initiave d'attaque soit à sa réaction de défense et/ou
de riposte.
Il incarne le principe de Jita
kyoei (entraide et prospérité mutuelle). Il doit
avoir confiance en tori et coopérer.
Uke doit aider Tori à progresser et ne pas être une cause de gène ou de désagrément (taijin kyofusho).
Travailler le rôle de Uke permet
de mieux comprendre les mécanismes biomécaniques de l'attaque
de Tori et donc :
- de devenir meilleur Tori en sachant comment positionner Uke
- devenir meilleur Uke en sachant comment se positionner
pour neutraliser Tori
Connaitre le mauvais placement permet de contrer et le bon placement d'attaquer.
Remarque :
Tori étant celui qui saisie et uke
celui qui réceptionne,
il serait plus interressant d'appeler tori celui qui prend l'initiative et uke
celui qui réceptionne
cette initiative.
Ainsi :
- au jùdô, le rôle de
uke serait tantôt celui qui
exécute l'action décisive tantôt l'autre
- en aïkidô
et en karaté,
le rôle de uke serait toujours
celui qui exécute l'action décisive
Dans les autres sports :
Ce contrat de respect/confiance
est également présent en équitation entre le cavalier et
le cheval. Il n'est cependant pas interchangeable comme en jùdô.
En escalade (ou un autre sport nécessitant une assistance), il existe
également la notion de confiance
mais qui n'est pas dépendante du respect.
Relation de confiance |
Relation de respect |
Interchangeabilité |
|
Jùdô | X |
X |
X |
Équitation | X |
X |
|
Escalade | X |
X |
Synthèse :
Tori est le nom de celui qui exécute l'action décisive dans un
enchaînement de techniques
soit à son initiave d'attaque (assimilateur) soit à sa réaction
de défense et/ou de riposte (hangeki, accommodateur). Uke
est celui qui réceptionne l'action décisive dans un enchaînement
de techniques soit à
son initiave d'attaque soit à sa réaction de défense et/ou
de riposte. Uke peut donc être
Bogeki (bogyo), défenseur ou Kogeki, attaquant.
Les deux modes d'adaptation à savoir l'assimilation c'est à dire
l'ajustement de la situation grâce à la capacité d'application
des connaissances de l'individu
et l'accommodation c'est à dire l'ajustement d’un individu grâce
à sa capacité d’apprentissage
se partagent bien les rôles.
On traduit souvent "Uke"
par "subir" (passif) alors qu'il signifie en fait réceptionner
(actif). Le rôle de Uke est
souvent négligé alors que celui-ci est fondamental. Il doit être
travaillé au même titre de celui de Tori (notament pour l'apprentissage
des receptions de chutes à deux).
Uke est loin d'avoir un rôle
passif. En sollicitant le partenaire, c'est lui qui permet l'action, il permet
donc au partenaire de progresser. C'est donc véritablement un partenaire
actif et pas seulement une "cible". Uke
doit donc appliquer les mêmes principes martiaux que Tori afin que l'action
soit "réaliste" : il doit bien gérer sa distance, s'engager
suffisamment dans l'action (attaque) tout en se protégeant… C'est
sa rigueur qui permettra à tori de réellement progresser. Ce faisant,
uke progresse donc lui aussi dans
la pratique, puisqu'il travaille dynamiquement. Uke
reçoit donc la technique, mais doit rester "organisé",
actif, afin d'être en mesure de retourner la situation si tori faisait
une erreur (kaeshi waza, contre-technique)
: par exemple "absorber" le coup par un déplacement afin de
ne pas être déséquilibré, relâcher sa position
afin de pouvoir se rétablir, chuter pour pouvoir se relever en s'étant
dégagé... Certains arts martiaux ou certains enseignants n'abordent
jamais le rôle de Uke dans leurs
entraînements et même dans leurs Katas.
C'est une erreur fondamentale de base. En effet, un enseignement idéal
tend à faire coïncider le plus possible la théorie à
la pratique. Hors les arts martiaux sont l'art de la guerre et donc l'opposition
entre au moins deux adversaires pensants et réactifs. Ignorer le rôle
de l'adversaire est donc ignorer l'idée même du principe de base
à savoir l'opposition à l'autre.
Même si les arts martiaux sont avant tout un travail sur soi, ils ne peuvent
s'envisager qu'à travers le travail avec les l'autres.
Le duel-opposition :
C'est la disparition des rôles de Tori et Uke
qui a pour but d'éprouver les progres effectués. Il n'y a plus
consignes données. Il faut travailler dans une totale liberté
d'esprit et de corps, sans l'appréhension d'être projeté
ou de perdre, attaquer le plus fort et le plus souvent possible. Un randori
est comme un combat en compétition dans lequel chacun des combattants
est perpétuellement en train de perdre par waza-ari. Si personne ne fait
tomber l'autre alors chacun des combattants perdent. Chaque combattant doit
également faire comme si son adversaire était plus fort que lui-même.
Il s'agit de forcer un adversaire pour l'obliger
à subir une séquence technique sanctionnée par une défaite
en compétition c'est à dire à l'opposé du projet
de celui-ci qui rêve lui de s'imposer sur vous.